Le sélectionneur des Guépards du Bénin, Gernot Rohr, a livré un témoignage poignant sur les violences subies par la délégation béninoise en Libye, après leur qualification pour la CAN 2025. Dans une interview accordée à Bip Radio, il a décrit en détail l’hostilité, les agressions physiques et les conditions inhumaines rencontrées à Tripoli, transformant une soirée de célébration en cauchemar. Découvrez ses mots.
On a vu des vidéos de violence à Tripoli. Qu’est-ce qui s’est passé ? Est-ce que ça va ?
Moi personnellement ça va. Les deux coups que j’ai reçus sur le bras gauche et le genou droit avec des matraques, ça a laissé des petites traces superficielles, c’est pas grave. Un de mes assistants par contre a un gros hématome et un des membres de notre équipe de sécurité privée, il y avait quatre Tunisiens avec nous, qui étaient chargés de notre sécurité. Il a été frappé sur la tête lui par contre, il a dû passer une radiographie et il a une grosse plaie, un gros hématome sur la tête. Il y a eu deux ou trois joueurs qui ont été touchés par des bouteilles pleines d’eau, ils n’ont pas eu d’hématome ou de plaie, heureusement. Et un joueur qui a reçu des matraques aussi, ça va. On s’est défendu avec les pieds, avec les bras, avec ce qu’on avait sous le coup. Il y avait un effet de surprise, donc malheureusement personne n’a pu filmer ça, parce que quand vous voyez les gens qui vous frappent, vous ne sortez pas votre téléphone pour le filmer. On a juste filmé un petit peu après, pour montrer l’ambiance qu’il y avait dans le bus, avec de la glace qu’il fallait mettre sur la tête, sur les coups reçus sur les bras ou autre. Donc ça c’était lamentable, c’était après le match. Après le match, ça a été vraiment inadmissible. Avant le match, ils voulaient le voyage. C’est assez bien passé, parce qu’ils ne pouvaient pas se permettre de refaire un coup comme au Nigeria, avant le match, à travers le voyage. Donc ça, c’est assez bien passé. L’hôtel, on nous avait dit de faire attention à ce qu’on mange, d’aller peut-être chercher ailleurs, au restaurant. Il y avait des gens qui pensaient qu’on pouvait avoir des choses dans la nourriture. Moi, j’ai dit, écoutez, on ne peut pas aller bouger pour aller dans des restaurants, ça ne se fait pas, on prend le risque. Mais j’ai demandé à notre médecin d’aller en cuisine et de surveiller. Les repas qui ont été préparés avec l’aide de notre physiothérapeute. Donc on a pu un peu regarder, et l’hôtel était bien. L’entraînement de veille de match était déjà catastrophique, parce qu’ils ne nous ont pas donné les ballons pour s’entraîner. Il a fallu qu’on se débrouille avec les quelques ballons qu’on avait nous-mêmes emmenés. Donc ça déjà, ça a commenté. Et puis avant le match, tout le monde a vu que notre hymne national a été sifflé, ce qui est une chose rare en Afrique. Chaque fois qu’on avait le ballon, les attaques, les verbales, les lasers dans les yeux. Notre gardien, le joueur qui a fait la touche, qui a tiré le coup de pied, il était toujours aveuglé par des lasers. Et après, vous avez vu, on a pris ces six cartons. Et la neuvième minute, Tijani, portant pour une faute anodine, reçoit un carton jaune. Et puis ainsi de suite. Mais le pire, c’était après le match. Donc c’était quelque chose qu’il ne faut pas oublier parce qu’il faut le dénoncer.
Est-ce que dans ces conditions-là, vous avez pu célébrer après le match la qualification ?
Oui, bien sûr. On était enfermés dans le vestiaire pendant une heure et demie. Vous avez vu les images ? Les joueurs sont quand même des Béninois. Ils ont du rythme, ils ont de la musique, ils ont du chant et puis ils ont du tempérament. Donc, c’était formidable. Malgré tout ça, malgré les coups reçus, déjà les bouteilles sur la tête. Et là, on était enfermés dans le vestiaire. On a pu téléphoner avec notre président, notre ministre. On a pu chanter, on a pu s’embrasser, on a pu trinquer, pas avec de l’alcool. Là-bas, il n’y en a pas. Mais avec de bonnes bouteilles d’eau, aussi des jus. Voilà, on a fêté ça. Mais c’était quand même un grand moment qu’on ne va pas oublier.
Est-ce que vous savez si la Fédération a porté plainte par rapport à ce mauvais traitement que vous avez subi là-bas ?
Je pense que le rapport a été fait. En tout cas, nous, on a fait notre rapport verbal. Le médecin, docteur Serge, il est en train, je pense, de préparer le rapport médical en ce qui concerne les blessés. Il y a eu un commissaire au match. Vous savez, à chaque match, il y a un commissaire qui est envoyé par la CAF. Déjà, la veille du match pour les ballons, il s’est mis devant son téléphone à faire semblant d’être occupé pendant 20 minutes pour ne pas nous écouter, qu’on réclamait les ballons du match pour l’entraînement. C’était un commissaire du Soudan. Il était acquis à leur cause. Donc, on était vraiment un terrain ennemi. Il y avait un quatrième arbitre qui était heureusement compréhensif, qui a été assailli sans arrêt par le banc de touche adverse. Un banc de touche adverse qui a couru après mon assistant, un germano-tunisien, pour lui frapper dessus en sprintant après lui, après le match, pour le choper dans le petit tunnel qui mène au vestiaire et pour le blesser. Incroyable, parce que le lendemain, on avait passé toute une nuit à l’aéroport. On devait prendre un avion privé qui est arrivé, mais qui n’a jamais eu l’autorisation de décollage. Donc, de 3h30 du matin à 14h, on est resté à l’aéroport. Pratiquement une nuit à l’aéroport, comme l’avait fait le Nigeria, avant le match, on nous l’avait fait passer après le match, puisque soi-disant, il n’y avait pas les autorisations.
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